Publication SWi - Études,  2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Doctrine du sport que l'on doit au général De Gaulle est un ensemble de principes validés politiquement capables d'administrer la pratique dans l'intérêt général.

 

 

 

 

 

'La pratique du sport ne doit pas être présentée comme une dépense publique mais comme un investissement public'.                     

 

Denis MASSEGLIA, Président du CNOSF.

 

 

 

 

En 2024, une nouvelle Doctrine fera évoluer la position de l'État qui passera d'un rôle historique d'Administrateur à celui de Régulateur de l'écosystème sportif.

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Fiche technique du livre blanc.

 

Mots-clés : Sport, Doctrine, Innovations technologiques, Changement ‘social', Changement ‘sociétal', Mouvement sportif, Etat ‘régulateur', Etat ‘administrateur', De Gaulle, Macron, Stratégies d'adaptation, Numérique.

 

Résumé : Nous vivons une période de remise en cause des institutions sportives car notre façon de pratiquer le sport a changé. Loin des stades et de la relation compétitive qu'ils induisent, la majorité des sportifs valorise un lien social de connivence plutôt qu'une relation de concurrence. Il s'agit d'une rupture brutale avec la culture sportive ‘officielle' du 20ème siècle. L'acceptation de cette mutation radicale, associée à sa traduction organisationnelle, notamment en matière de nouvelle gouvernance sous contrainte de réduction de la dépense publique, sera le point de départ de la rénovation du sport français. Dans la foulée, pour complexifier encore la problématique, une société sportive digitale totalement inédite agit comme un révélateur doublé d'un accélérateur. Au final, le sport de ce début de siècle est devenu une véritable Terra incognita. C'est-à-dire un territoire largement inexploré par les acteurs institutionnels, notamment les services de l'Etat qui relèvent toujours de modalités administratives issues d'une Doctrine que l'on doit au Général de Gaulle.

 

Ce livre blanc explique ces phénomènes contradictoires. Il explore les "zones blanches du sport", pour reprendre l'expression de Laura Flessel. Non pas les sites géographiques dépourvus d'offres de pratiques, mais ces territoires sociaux, sociétaux, technologiques et économiques encore inconnus car situés sur le côté obscur de la planète sport. Il propose une vision nouvelle assortie d'une proposition inédite : l'écriture d'une Doctrine pour le 21ème siècle. Elle révèle que l'Etat va devoir changer de statut. Il passera d'un rôle historique d'administrateur à celui futuriste de régulateur.

 

Auteur : Alain LORET, Professeur des Universités Honoraire.

 

Editeur : SWI.

 

Structure : le livre est organisé en trois parties. Il comporte de nombreux liens hypertextes en bleu destinés soit à illustrer, soit à compléter le propos. Il vous suffit de cliquer dessus pour accéder au document lié. La durée de lecture estimée du livre est de 5 heures.

 

Sommaire :

 

 ESSAI DE DOCTRINE DU SPORT

1964 - 2018

 

 PREMIÈRE PARTIE

Éléments de contexte.

 

 Sport, changements et remises en cause. Page 5
 Des licenciés adultes tendanciellement à la baisse. Page 6
 Vendre une licence ou des services ? Page 7
 La concurrence des communautés sportives digitales. Page 9
 Sport et marketing numérique. Page 11
 Nouvelles sociabilités sportives connectées. Page 14
 Une nouvelle vision stratégique du sport. Page 16

 SECONDE PARTIE

Pourquoi une nouvelle doctrine ?

 
 L'ardente obligation d'une ré-écriture de la doctrine sportive | Cliquez >> Page 19
 L'analyse de Denis MASSEGLIA. Page 20
 Le sport français en manque de doctrine. Page 21
 D'énormes précautions politiques. Page 23
 Illustration | 1ère de couverture de la Doctrine de 1964. Page 24

 TROISIÈME PARTIE

D'un État administrateur à un État régulateur.

 
 Construisons une nouvelle doctrine | Cliquez >> Page 25

 Les fondements systémiques d'une nouvelle doctrine.

Page 26
 Fondement n°1 - Sport et barrières sociales et démographiques. Page 26
 Fondement n°2 - Sport et rayonnement de la France. Page 27
 Fondement n°3 - Sport et développement durable. Page 28
 Fondement n°4 - Sport et création de valeur économique. Page 29
 Fondement n°5 - Sport, formations, emplois. Page 30
 Fondement n°6 - Sport et Santé publique. Page 31
 Fondement n°7 - Sport et aménagement du territoire. Page 32
 Fondement n°8 - Sport et Education nationale. Page 33
 Fondement n°9 - Sport et décentralisation. Page 34
 Fondement n°10 - Sport et mondialisation. Page 35
 Méthodologe de conception de la doctrine. Page 37
 Vingt préconisations. Page 40

 

 

 

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ESSAI DE DOCTRINE DU SPORT

 

1964 - 2018

 

 

 

 

 

 

AVERTISSEMENT

 

 

D'ici  2025, le sport français entrera dans une période historique. Rarement au cours de son histoire il n'aura rencontré une telle conjoncture favorable. Toutes les planètes vont s'aligner. Cela n'arrive en général qu'une fois par siècle. Il convient donc de préparer ce cycle exceptionnel avec le plus grand soin.

 

La période de changements qui s'annonce combinera deux éléments-clés : les Jeux Olympiques qui seront organisés à Paris en 2024 et, surtout, la profonde transformation de la demande sociale de sport. Celle-ci est actuellement en phase active de renouvellement sur des bases technologiques. Ce point est capital car c'est la seconde fois en 40 ans que la société renouvelle le sport. Si, cette fois, la transformation est technologique, lors de la phase précédente qui dura de 1975 aux années 2000, elle fut de nature culturelle. Or, elle n'a toujours pas été assimilée par les institutions sportives françaises [Un conseil : un fois que vous aurez cliqué, agrandissez le texte de ce lien pour le lire confortablement en cliquant sur le '+' au centre en bas du document qui va apparaître, NDRL].

 

Aujourd'hui, ces deux cycles d'évolution absolument majeurs ne pourront pas être absorbés par le Mouvement sportif sans un renouvellement complet de la Doctrine qui le régit depuis le 23 décembre 1964. Ce livre a pour but de lui faciliter les choses en établissant les bases de sa réécriture pour profiter au mieux de ‘l'alignement des planètes' qui se dessine.

 

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I. Éléments

de contexte.

 

 

Cette première partie a pour but d'établir le contexte dans lequel les acteurs politiques et institutionnels vont devoir réfléchir dans un premier temps puis agir dans un second temps pour élaborer une nouvelle doctrine du sport. Elle devra être construite pour les décennies à venir. Rappelons-nous en effet que la dernière, c'est-à-dire celle qui régit toujours l'administration du sport tricolore, fut officiellement validée en 1964. Si l'on reste à cet étiage, cela nous conduira au alentour des années... 2080. On s'en doute l'analyse ne sera donc pas simple, ne serait-ce que parce que l'écosystème du sport français subit actuellement des mutations protéiformes qui changent profondément le paysage sportif national. Nous allons donc commencer par tenter d'établir le profil de ces mutations. L'objectif sera d'identifier, à la fois, les dangers qui se dessinent et les opportunités qui se présenteront.

 

 

Sport, changements et remises en cause.

 

La volonté des Français de pratiquer le sport selon des modalités inédites est devenue une solide réalité sociale. Elle s'impose à l'ensemble de l'écosystème sportif : acteurs économiques, commerciaux, institutionnels et politiques. Nous l'avions anticipée dès 1995 en publiant aux Editions Autrement sous le titre ‘Génération glisse', un livre vendu à des milliers d'exemplaires que d'aucuns considèrent encore aujourd'hui comme une véritable rupture dans l'analyse politique et sociologique du sport. Nous y démontrions notamment que la ‘gamification' des pratiques, c'est-à-dire le fait d'exploiter dans le sport les codes du jeu en particulier des jeux vidéos, était déjà une réalité à cette époque. Le concept de ‘sport d'utilité ludique' que nous avions alors forgé s'opposait au ‘sport d'utilité publique' promu par les services de l'Etat et les fédérations. Depuis 1995 les choses n'ont pas changé si ce n'est une forme de maturation générale du phénomène. Elle se traduit par la volonté des sportifs de revendiquer massivement de nouveaux modes d'organisation assortis de services plus aptes à satisfaire les besoins inédits qu'ils expriment aujourd'hui.

 

 

Des alternatives à la pratique sportive associative sont apparues depuis 2010. Immédiatement exploitées par des start-up beaucoup plus agiles que les fédérations, elles montrent que des solutions numériques nouvelles, reposant sur des formats d'organisations dématérialisées, moins rigides et contraignantes que les clubs fédéraux, sont possibles. Pour ces derniers, la conséquence est immédiate : seuls 30% des sportifs adultes affirment en 2018 vouloir pratiquer au sein de leurs structures.

 

Au regard de ces changements, tous les acteurs publics [Etat, collectivités, fédérations] sont en très grande difficulté. Consciente du problème, Laura Flessel, la ministre actuelle, a engagé une procédure de remise en cause multiforme de la gouvernance du sport. Elles pense en effet qu'il s'agit d'une réponse nécéssaire. Nous observons qu'elle n'a jamais expliqué pourquoi. Nous estimons pour notre part qu'il ne s'agit pas d'une réponse suffisante. Sans doute, en effet, n'a-t-elle pas entièrement mesuré que la volonté du chef de l'Etat de réduire drastiquement la dépense publique, notamment à partir d'un plan choc visant 30 milliards d'économie baptisé 'Cap 2022', allait la contraindre à aller très loin dans les réformes. Beaucoup plus loin qu'elle ne l'a envisagé...

 

 

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Des licenciés adultes tendanciellement à la baisse.

 

 

Aujourd'hui, les fédérations peinent à construire des propositions capables de satisfaire une demande sociale qui n'a toujours pas été correctement décodée. Il faut dire que sa cohérence échappe à de nombreux observateurs qui utilisent encore des méthodologies d'analyses trop datées. Il leur est donc difficile de l'expliquer car les données fiables leur manquent. Si chacun à bien conscience de l'épuisement du modèle qui a fait le succès des fédérations au 20ème siècle, tout le monde constate aussi qu'elles ne sont pas vraiment capables de réagir. Le résultat est que le nombre de leurs licenciés adultes est tendanciellement à la baisse alors même que les Français sont de plus en plus nombreux à faire du sport. C'est un vrai paradoxe ! Si l'on ajoute le fait que la moyenne d'âge des sportifs augmente significativement et que la pratique féminine explose - ces deux éléments étant totalement contraire à ce que les fédérations ont connu jusqu'alors, le constat du renouvellement obligatoire du "business model fédéral" s'impose.

 

La sociologie des organisations a depuis longtemps démontré qu'il est quasiment impossible pour une structure basée sur un modèle donné d'en changer facilement. Qui plus est, toutes les configurations de remplacement sont aujourd'hui peu ou prou fondées sur des relations ténues entre le sport et le numérique. Elles sont donc très récentes et pour l'essentiel encore en phase de test. Là aussi, on constate que ce sont les start-up qui opèrent. Elles le font d'autant plus aisément qu'elles ne sont pas contraintes par l'inertie naturelle et logique des grandes organisations institutionnelles que sont les fédérations. On explique ainsi très bien les hésitations de ces dernières. En réalité, elles sont parfaitement cohérentes avec leur statut d'institutions comme nous le verront dans ce livre. Mieux, leurs hésitations sont salvatrices car elles évitent toutes précipitations imprudentes.

 

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Vendre une licence ou des services ?

 

 

En 2018, on observe sans surprise qu'en matière de sport organisé de manière officielle, la majorité des acteurs estime que le dispositif de référence est toujours la pratique licenciée à l'année. C'est la raison pour laquelle dans de nombreuses fédérations, notamment les fédérations olympiques, les missions et l'ensemble des fonctions des clubs sont systématiquement ‘orientées licence'. Entre autre chose, cela signifie qu'ils doivent fidéliser leurs membres ou en accueillir de nouveaux à partir d'un système de production de services dont personne n'a encore jugé utile de dire officiellement qu'il est en phase accélérée d'obsolescence.

 

Aujourd'hui, l'erreur consisterait à maintenir une ‘stratégie fédérale orientée licence' alors que tout indique qu'une ‘stratégie orientée licencié' serait préférable. La différence n'est pas simplement sémantique. Là où la première privilégie les procédures administratives, la seconde satisfait les besoins des pratiquants. Là où la première cible ‘les prospects' [licenciés potentiels] en leur proposant des relations de concurrence [la compétition], la seconde valorise les relations de connivence. Là où la première applique un service standard, la seconde le personnalise. Là où la première privilégie une structure physique [un club], la seconde la dématérialise [une plate-forme numérique de type R2s]. En d'autres termes, sortir du modèle fédéral historique pour engager le sportif selon des procédures organisationnelles différentes, capables d'identifier et de considérer étroitement son degré de satisfaction, favoriserait un retour d'intérêt des adultes pour les structures fédérales.

 

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Il est indispensable de comprendre que pour la majorité des sportifs de plus de 20 ans, prendre une licence n'est jamais un objectif. Ils recherchent d'abord des solutions à des problèmes qu'ils rencontrent : comment occuper leurs loisirs, retrouver une condition physique, rencontrer d'autres personnes, trouver des formes de rassurance en pratiquant en groupe, recouvrer la santé, etc. Si la licence est la bonne réponse alors - et alors seulement, ils cotiseront au club. Il s'agit clairement d'une nouvelle frontière stratégique pour les fédérations. Elle met le service proposé au licencié au cœur de la problématique. C'est également une vision inédite du sportif qui passe d'un statut ‘d'usager d'un service public' à celui d'une ‘vraie personne' exprimant des motivations personnelles et qui revendique de pratiquer selon des formes alternatives au sport disciplinaire.

 

Le succès des multiples applications qui proposent des services très enrichis comparés à ceux des fédérations olympiques s'explique en grande partie par l'image de ces dernières. Historiquement orientées vers la compétition règlementée, il est logique que la majorité des sportifs adultes qui ne s'y intéressent absolument pas expriment une forte défiance à leur égard. Ils se tournent alors très naturellement vers des offres parallèles. Surtout si celles-ci sont digitales et leur permettent d'exploiter les objets techniques dont ils raffolent : wearables, smartwatches, fitnesstrackers, drônes, matériel intelligent, smartphones, micro-caméras, GPS,... Un nouveau modèle de consommation du sport s'impose alors irrémédiablement. Organisé en réseaux : Facebook, Instagram, Snapchat, RéSSU, Twitter, ou en applications dédiées comme Strava, Nike+, Bike Computer, Runkeeper, Runtastic,... il délégitimise instantanément les anciens dispositifs fédéraux. Dans la foulée, les start-up qui les proposent avec succès acquièrent à l'inverse une très forte légitimité.

 

 

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La concurrence des communautés sportives.

 

En 2018, on observe que 100% des start-up identifiables sur les marchés du sport n'existaient pas il y a moins de dix ans. La vitesse de sédimentation des technologies sportives digitales, autrement dit leur obsolescence naturelle, explique la rapidité avec laquelle les start-up se sont imposées. Elles sont en effet particulièrement réactives. Ce qui signifie qu'elles ont la capacité de réagir en temps réel à l'apparition de toutes formes d'innovations. C'est à ce niveau que se niche l'ubérisation potentielle ou latente de certaines fédérations.

 

Pour sortir du piège, ces dernières doivent sans tarder se transformer en ‘smart-fédérations'. C'est-à-dire en organisations digitales de services sportifs dématérialisés, multiformes, technologiquement avancés et non disciplinaires. Elles doivent au demeurant être très attentives à l'expérience-licencié et aux nouveaux usages sociaux du sport massivement plébiscités. Notamment les très surprenants services sportifs que proposent les fameuses communautés numériques d'intérêt sportif.  

 

De ce point de vue, la communauté sportive créée par la compagnie Air France sous le nom de Air France Running est très révélatrice de ces changements.

 

 

 

 

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Rarement identifiées par les acteurs du sport institutionnel comme des concurrents réels ou potentiels, ces communautés informelles dématérialisées représentent pourtant une menace de plus en plus significative. Surtout lorsqu'elles constituent une réponse organisée bien adaptée aux nouvelles sociabilités sportives connectées. Dans ce cas, la mission des organisations publiques [villes et fédérations, notamment] est de proposer des solutions techniques et technologiques concurrentielles. Elles doivent se convertir elles aussi à cette étonnante stratégie sportive du 21ème siècle de mieux en mieux maîtrisée par les start-up consistant à rendre les sportifs numériquement... dépendants. Le modèle d'analyse ci-dessous synthétise cette nouvelle problématique.

 

 

 

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Sport et marketing numérique.

 

 

Toute démarche de rénovation du sport, en particulier l'établissement d'une nouvelle gouvernance, passera au préalable par une analyse des méthodes qui renouvellent le marketing du sport. Il s'agira en effet de s'en inspirer. Une stratégie de type benchmarking devra donc être développée par les acteurs chargés de traduire le changement sportif en transformation du management du sport. Les villes seront en première ligne et exploiteront de nouvelles formes de pilotage numérique du sport local comme les Réseaux Sociaux Sportifs Urbains, les fameux RéSSU.

 

Avant d'aller plus loin, nous devons donc établir un point précis de l'évolution du marketing sportif.

 

 

 

 

Dans le secteur marchand du 'sport qui se pratique', on observe que certaines entreprises gèrent depuis peu leur transition numérique B2C [Business to Consumers, NDLR] en testant des projets de communication digitale très innovants. Leur but ? Mieux répondre aux nouveaux standards de production et de consommation des services sportifs et le faire savoir à leur clientèle ou aux prospects qu'elles ont ciblés. Ce faisant, elles accentuent encore la pression concurrentielle sur les institutions sportives. En terme de circulation de l'information sur Internet, cette stratégie va devenir une donnée commerciale majeure à l'horizon 2020. Qu'il s'agisse d'acteurs publics comme les fédérations et les villes ou d'acteurs industriels et commerciaux, ce sera un élément-clé qui permettra aux organisations les plus en pointe de construire un avantage compétitif vite déterminant sur un marché du sport de plus en plus compétitif. 

 

Pour concevoir les services et modes d'animation les plus appropriés aux tendances identifiées  - c'est-à-dire ciblant les nouveaux usages dématérialisés du sport -, les apports et les méthodologies du marketing digital sont devenus incontournables. Ils permettent en effet de créer les conditions indispensables à l'identification d'exigences inédites exprimées par une clientèle sportive protéiforme, en recherche permanente de mobiquité [Mobilité + Ubiquité, NDRL]. Nous observons que cette situation était inconnue au début des années 2010. Aujourd'hui, les sportifs revendiquent des modalités d'animations et de services destinées à des groupes informels, caractérisés surtout par l'instabilité et le turnover, qui prennent la forme de communautés d'intérêts sportifs pour reprendre le vocable des nouveaux marketeurs du sport. Il s'agit d'une innovation sociale totale qui brouille les repères et certitudes antérieurs.

 

 

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Dans ce contexte, la force du numérique ne se résume pas à rapprocher les producteurs de services des sportifs, elle leur permet aussi d'identifier, comme jamais dans l'histoire du sport, leurs véritables besoins et motivations. Les outils du marketing digital vont ainsi autoriser la mise en place d'une nouvelle génération de stratégies de communication doublées de modes d'animation totalement originaux fondés sur une relation-clientèle dématérialisée.

 

Revu et corrigé par une société ultra connectée, le sport d'aujourd'hui est engagé dans une phase de son évolution qui rompt avec les modes de management et d'animation de la fin du vingtième siècle. De nouveaux types de communication B2C discréditent les dispositifs traditionnels. De ce point de vue, le sport qui vient va générer des formes de développement alternatives que seules captent actuellement certaines start-up très innovantes grâce au Big Data, à l'Intelligence Artificielle [I.A.] ou aux dispositifs de type NoSQL. C'est-à-dire des méthodes qui s'écartent du paradigme marketing classique.

 

Une fois de plus, la caractéristique première de ces start-up est surprenante : la plupart n'existaient pas il y a cinq ans.

 

 

C'est à un profond renouvellement de la communication et du marketing sportif auquel nous assistons. Dans les secteurs les plus en phase avec l'innovation, ces nouvelles méthodes améliorent grandement les approches antérieures jugées trop datées. Quatre secteurs méthodologiques principaux sont impactés.

 

L'extraction des données qui passe dorénavant par le Social Media Intelligence plutôt que par les études de marché classiques.

La qualité supérieure des données recueillies grâce à la traçabilité de leur origine.

La maîtrise de modèles d'analyse de conception récente indispensables au décodage des nouveaux marchés du sport.

Enfin, dans le contexte d'application du RGPD européen, l'absolue nécessité de la protection des données personnelles des clients via l'exploitation de plateformes d'intermédiation numérique strictement privatives. De ce point de vue, l'usage de réseaux sociaux classiques comme Facebook, par exemple, n'est plus recommandé dans un cadre professionnel (Intranet) ou commercial (Extranet).

 

 

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La maîtrise de ces quatre secteurs permettra d'améliorer ce que l'on nomme la 'proximité-clientèle'. Prenons le cas d'un responsable d'un centre UCPA, par exemple, qui serait capable d'extraire des données du Web à partir d'un dispositif privé de saisie d'informations conçu spécifiquement. Il lui suffira de les analyser grâce à des modèles appropriés pour identifier en temps réel le degré de satisfaction de ses stagiaires. On conçoit qu'un tel dispositif sera aux antipodes de certaines méthodes au 'doigt mouillé' encore utilisées aujourd'hui. Il permettra de cibler précisément les besoins de renouvellement du matériel ou des modes d'animation et d'enseignement. Au demeurant, il générera une vision claire des attentes permettant de créer des services plus appropriés améliorant ainsi la proximité des moniteurs avec chaque client.

 

Ce simple exemple montre que de nombreuses organisations sportives gagneraient à exploiter les plateformes privatives du marketing sportif digital pour faire évoluer, à la fois, le matériel et l'animation de leurs structures. Elles deviendraient alors moins dépendantes des modes et techniques d'animation qui fleurissent régulièrement. Le gain ? La fidélisation de leurs clients ou adhérents et surtout l'assurance d'une meilleure 'identité commerciale ou institutionnelle' basée sur la stabilité de leur chaîne de valeur.

 

Dès lors, chaque membre de l'organisation focalisera son attention sur la dynamique de suivi permanent et d'amélioration constante des services proposés et non sur un penchant perpétuel à happer les nouveautés au gré de frénésies commerciales plus ou moins éphémères valorisées seulement par les médias.

 

 

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Nouvelles sociabilités sportives connectées.

 

 

L'approche commerciale des produits et services sportifs est aujourd'hui entrée dans une nouvelle ère : celle du prescriptif qui succède aux modèles prédictifs antérieurs. Il s'agit d'une avancée majeure. Elle permet d'intégrer plus aisément dans les stratégies de marques les grandes ruptures en matière d'expériences et d'usages sportifs. En outre, contrairement à la période précédente, elle tient étroitement compte de ces nouvelles clientèles sportives en voie d'émergence : plus âgées, plus féminines, plus portées à valoriser un sport de connivence plutôt qu'un sport de concurrence. Il est impératif d'admettre que le sport est devenu un vecteur d'accès à la santé, au lien social ou à la reconstruction physique plutôt qu'à la compétition. Toutes les études le montrent. Or, ces nouvelles motivations engendrent des attentes-clientèles encore très peu conceptualisées comme le 'vieillissement sain', la 'forme, pas les formes', le 'sport d'utilité ludique' plutôt que 'd'utilité publique', etc. 

 

L'élément le plus visible de cette rupture se repère facilement dans des engouements inédits en matière de sociabilités sportives. En moins d'un demi-siècle, les pratiquants ont ainsi plébiscité trois types d'organisations correspondant culturellement à des systèmes sportifs très différents : les clubs associatifs des sports olympiques, les tribus des sports de glisse et, aujourd'hui, les communautés dématérialisées des sports numériques [figure suivante].

 

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La dernière phase est celle de la surexploitation des smartphones et des montres connectées devenus l'accès de référence aux données sportives. Combinés à l'intelligence artificielle, ils correspondent à des terminaux de plus en plus aboutis que les acteurs du sport ne peuvent plus ignorer.

 

Pourquoi ?

 

La réponse va surprendre.

 

 

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Une fois paramétrés, les smartphones sont capables de faire des choix de services sportifs à la place de leurs propriétaires. Via des chatbots [agents numériques conversationnels, NDLR] qui fournissent automatiquement des informations sur les Réseaux sociaux sportifs [R2s], c'est toute la chaîne de la relation client qui est renouvelée. Les sportifs connectés ont accès aux données sans qu'à aucun moment une 'relation humaine' intervienne dans le processus de recherche. Imaginez ce qui se passerait si des organisations sportives n'étaient pas référencées correctement dans les sources identifiables par les mobiles. C'est simple : elles disparaîtraient de l'écosystème sportif digital en tant que productrices de services...

 

 

Le sport numérique qui vient réserve bien des surprises et bien des ruptures. Il est indispensable de les anticiper. Prenez les futures smart cities [villes connectées, NDLR]. Elles intégreront la gestion et la promotion du sport dans de nouvelles possibilités digitales qu'elles offriront à leurs administrés. Ce sont les services des sports des communes qui piloteront ces dispositifs locaux de type 'Sport-tech'. Combinant Big Data, smartphones, I.A., chatbots et R2s, ils orienteront les choix des sportifs en fonction des stratégies territoriales. Or, celles-ci seront élaborées en concertation avec les pratiquants eux-mêmes. Là se situe la rupture ! D'ores et déjà des start-up proposent des solutions numériques permettant d'impliquer les citoyens dans les grands choix politiques des communes. Aux Etats-Unis on appelle cela l'empowerment. En France, une start-up nommée Fluicity [cliquez] produit déjà une appli capable de donner la parole aux citoyens sous une forme dématérialisée pour qu'ils puissent présenter leurs besoins, aspirations ou motivations dans tous les secteurs de la vie urbaine. En instaurant une 'ligne directe' entre les élus locaux et leurs administrés, ce type d'application est capable d'ubériser instantanément les acteurs du sport qui n'auront pas réalisé à temps leur transition numérique.

 

 

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UNE NOUVELLE VISION STRATÉGIQUE DU SPORT

 

Aujourd'hui, les décideurs publics [villes, communutés d'agglomérations, fédérations] ou privés [franchises, marques, enseignes] sont en difficulté lorsqu'ils doivent définir avec précision et exhaustivité la véritable structure du sport français. De nombreuses erreurs sont actuellement commises car les modalités d'analyses classiques ne suffisent plus. Pour accéder à un niveau de connaissances satisfaisant, la solution consiste à exploiter un dispositif méthodologique baptisé Web Social Intelligence. Cela exige l'abandon de la vision traditionnelle que nous utilisions pour décoder le sport au vingtième siècle.

 

La première chose à admettre est que la distinction fédérale classique par silos disciplinaires (athlétisme, natation, judo...) n'est plus opérante. D'autres éléments interviennent dans le décryptage de la structure des marchés. Une condition est toutefois indispensable pour les exploiter de manière optimale : maîtriser les nouvelles méthodologies digitales d'une 'Science de la data sport' très récente issue du concept de Social Media Intelligence.

 

 

 

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Nous estimons qu'il s'agit de l'un des freins principaux à la rénovation du modèle sportif selon les critères que nous venons d'identifier. Il se niche au cœur de la doctrine qui l'ordonne et qui le régit. Particulièrement datée puisqu'on la doit au Général De Gaulle, elle fut élaborée pour répondre justement aux enjeux du sport disciplinaire organisé en silos étanches dans les années 1960/70 [athlétisme, natation, football, etc.]. N'étant évidemment plus en phase avec la demande sociale contemporaine, le problème qui se dessine est le suivant : aucune nouvelle doctrine ne pointe à l'horizon. Ce livre blanc a donc pour objectif de convaincre les autorités publiques de la nécessité d'ouvrir ce chantier mais en partant sur de nouvelles bases problématiques autant que conceptuelles.

 

Il ne faut toutefois pas le cacher, les choses seront très complexes et nécessiteront du temps pour plusieurs raisons que nous développons dans le livre. En voici quelques-unes...

 

  • Intelligence artificielle, machine learning, big data, deep learning, réseaux sociaux sportifs, digitalisation des métiers et des savoir-faire, administration et pilotage numérique des clubs... la liste des nouveaux défis que doit relever le Mouvement sportif en matière de transition numérique est longue comme un match sans but. Il est vrai que la ministre Laura Flessel a lancé cet hiver une réflexion salutaire qui devrait rendre opérationnelles certaines réponses digitales. Elle sera donc la première Ministre des Sports française à établir une nouvelle gouvernance orientée Sport Tech. C'est-à-dire corrélée aux innovations technologiques numériques. Pour autant, les limites politiques que l'on perçoit et que nous développerons plus loin risquent de circonscrire trop vite la portée de son initiative. C'est la raison pour laquelle depuis plusieurs années, accompagné d'un nombre significatif de soutiens émanant de l'écosystème sportif, nous réclamons l'organisation d'un véritable Grenelle du sport' et non pas, comme c'est le cas actuellement, de quelques réunions de travail qui, caractère aggravant, ne réunissent que des acteurs du sport traditionnel. Nous estimons en effet qu'une démarche de 'type Grenelle' serait seule capable de dépasser les freins politiques et institutionnels ainsi que les concurrences entre administrations de l'Etat que nous constatons dans la procédure en cours initiée par Laura Flessel.

 

  • Fort heureusement, le Mouvement sportif se mobilise. Il cherche des pistes pour inscrire son fonctionnement dans cette nouvelle dynamique d'innovations protéiformes qu'il a parfaitement identifié. Nous en voulons pour preuve une initiative inédite : la 1ère journée d'étude qu'il a organisé le 12 juin 2018 sur ce thème [ci-dessous].

 

 

 

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  • Avec cette initiative qui suit de près la création d'un poste de vice-président chargé de l'innovation et des nouvelles technologies, le CNOSF cherche à dépasser les vieux tropismes qui entravent ses capacités d'adaptation aux changements. Il cherche à retrouver l'agilité qui fut la sienne il y a des décennies lorsque dans les années 1930 il avait fait de la France le pays leader de la création de fédérations sportives internationales. Il veut recouvrer une opérationnalité stratégique qu'il devine confinée au cœur de son histoire et de sa culture organisationnelle. Il faut l'accompagner.

 

  • Pour cela, rien d'autre ne doit primer que sa bascule dans le monde numérique, seule voie vers sa modernisation. Pour atteindre ce résultat, il devra casser les codes qui régissent son fonctionnement : rupture avec les modalités de management antérieures, acquisition d'une vraie culture stratégique, capacité d'exploitation de la data-sport, internalisation des nouveaux savoir-faire numériques, maîtrise des nouvelles méthodologies marketing issues du social listening, etc. Sa nouvelle efficacité opérationnelle sera à ce prix.

 

  • Elle devra être associée à des programmes de formations entièrement nouveaux et ‘orientés numérique' destinés aux cadres bénévoles et salariés de l'ensemble des organisations sportives, villes comprises. Ce qui signifie qu'il faudra produire de nouveaux savoirs. Seule la recherche universitaire le permettra. L'inclusion des STAPS à la rénovation du sport sera donc indispensable.

 

  • Les conditions d'une mutualisation des besoins digitaux [technologies et techniques] des organisations sportives devront être établies pour entraîner dans la dynamique de changement les fédérations aux moyens les plus faibles. Elle sera mise en œuvre dans une nouvelle configuration de partage des bonnes pratiques pilotée par le CNOSF. L'identification et la sélection de partenaires extérieurs sur la base de leur labellisation officielle sera une solution susceptible de raccourcir le calendrier de la transformation numérique des fédérations les plus hésitantes.

 

On la constate, le sport français doit se départir de son héritage doctrinal daté pour insuffler à ses structures un nouvel esprit d'initiative en phase avec les transformations protéiformes du sport contemporain. Ce livre blanc a l'ambition de l'y aider. Il préconise la rédaction d'une nouvelle doctrine moins régalienne dans son esprit et plus sociétale dans ses attendus. Il établit les clauses de sa formulation, la méthodologie de sa construction et les conditions de son inscription dans l'écosystème sportif. Au final, il s'agit de mettre le sport tricolore en état de marche pour le 21ème siècle.

 

 

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